L’Asile Agricole de Vallon, Un orphelinat protestant de garçons au XIXème siècle
Pendant cette période particulière de confinement suite à COVID, j’ai décidé de réunir et mettre en lumière le passé et donc l’histoire de la bastide ; sur la période du XIXème siècle alors qu’elle abritait un Asile agricole protestant.
Plongée dans les documents familiaux, les archives départementales de l’Ardèche, les archives livrées par le Pasteur de vallon et celles de l’association « Les amis de l’histoire » ainsi que les articles de presse des journaux Le républicain des Cévennes, La Croix d’Ardèche et Le journal d’Aubenas. Merci à eux !
Le milieu du XIXème siècle est une période où le peuple qu’il soit des villes ou des campagnes est très pauvre. Les familles déshéritées ou dans le désarroi sont nombreuses ; des enfants peuvent être livrés à une profonde misère.
Les mouvements de charité sont peu nombreux ; généralement, ils proviennent des institutions religieuses. En Ardèche, au XIXème siècle, ce sont des familles protestantes qui sont à la tête d’entreprises de charité.
À Vallon, au fond du faubourg du Barry, une plaque de rue rappelle qu’un orphelinat a existé dans le village : La rue de l’Orphelinat ou plutôt un Asile Agricole Protestant ; asile qui rendit tant de services à de nombreuses familles.
Asile : Lieu où l’on peut se réfugier pour être à l’abri d’un danger, parce que l’on est dans le besoin, etc. ;
Synonymes : refuge, retraite, abri, maison, port, refuge, toit
Création de l’Asile agricole
En 1853, le pasteur Maris crée un Asile agricole protestant à Gilhoc, une petite commune rurale ardéchoise. L’œuvre est présidée par Charles Seignobos, conseiller général de Lamastre.
Il y a 3 orphelins en 53, 9 en 54, 19 en 56, 20 en 58 et 25 en 62, preuve de son utilité et de la dureté de la vie en Ardèche.
Lors d’une réunion de 15 pasteurs qui s’est tenue à Vallon ; en septembre 1859 à l’occasion du jubilé de l’organisation en France de la religion réformée ; un des vallonnais, membre du consistoire protestant Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’Ainé évoque le projet de la création d’un orphelinat protestant à Vallon.
1859 – Compte rendu du 3èmeJubilé séculaire – Église consistoriale réformée de Vallon
Quand le pasteur Maris part en 1864 l’institution à Gilhoc est fermée depuis 1861. Immédiatement, le choix de déplacer l’asile sur Vallon est choisi par le consistoire protestant de Vallon.
Le pasteur Maris interviendra pour que le legs Audra (banquier lyonnais) de 1000 francs affecté à l’asile de Gilhoc, soit versé pour celui de Vallon. Le Conseil presbytéral de Vallon s’efforce immédiatement d’installer le mieux possible cet Asile.
Le Directeur de l’École Normale Protestante de Courbevoie envoie de bons renseignements sur un élève instituteur originaire de Vallon, Jean Auguste Charmasson, qui pourrait devenir le directeur de l’Asile.
Le consistoire de Lyon et de la Société du « Sou protestant de Paris » apportent leur soutien à la création de l’Asile agricole de Vallon.
L’institution ASILE AGRICOLE PROTESTANT est lancée !
Origines généalogiques et foncières de la bastide
C’est la Propriété PUAUX, rue du Barry qui est choisie en 1859. Elle est présente sur l’atlas du Compois de 1775 :
Compois : cadastre rudimentaire, avec description, arpentage et estimation de toutes les parcelles, dans les régions françaises de langue occitane.
La bastide est présente sur l’atlas du Compois (Construction après 1629 et avant 1775; on l’estime construite autour des années 1725). Elle est située au Faubourg du Barry. Aujourd’hui, exactement à l’angle de la rue de l’orphelinat et de la rue du Barry au n°12.
En 1861, la propriété appartient depuis peu de temps à Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’ainé.
Il détenait cette propriété en vertu d’un legs effectué, en 1854, par Hypolite César PUAUX, son neveu, fils de Henriette Rosalie PESCHAIRE et Joseph PUAUX.
La famille PUAUX (famille de Maître-chirurgiens) vivait dans cette bastide depuis plusieurs décennies.
François PUAUX, grand-père de Hypolite César Joseph PUAUX était Maître en chirurgie (21/10/1773), Correspondant de l’Académie royale de chirurgie (02/10/1789), Député au Synode provincial de 1778, secrétaire du consistoire de l’Eglise réformée de Vallon, Maire de Vallon (02/02/1790), Commissaire du Directoire exécutif près l’administration municipale du Canton de Vallon (11/11/1795).
Hypolite César Joseph PUAUX et Jacques Pierre François PESCHAIRE habitent Vallon ; ils sont rentiers, appartiennent à la religion réformée et sont sans descendance.
Origine des fonds pour l’installation de l’Asile
1854 : Testament de Hypolite César PUAUX vers Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’ainé
Legs d’un immeuble au faubourg de la rue du Barry.
En 1854, l’immeuble se compose d’un rez-de-chaussée et de deux étages ( 11 pièces; vestibule; 2 escaliers ; couloir de service ; dépendances) ; elle possède un jardin et une bande terre.
01 juin 1861 : Testament olographe de Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’ainé
Legs de l’immeuble pour la fondation d’un orphelinat protestant
« Je lègue un immeuble situé au faubourg de la rue du Barry limité au couchant par 2 chemins qui conduisent à Lagorce consistant en 2 bâtiments avec une terre contigüe implantée de muriers, ; lequel immeuble je possède en vertu d’un testament fait en ma faveur par mon neveu PUAUX.
Je lègue ledit immeuble pour fondation d’un orphelinat protestant sous la direction et l’administration du Conseil presbytéral ; ou d’une école d’Arts et Métiers ou de tout autre ayant pour but l’instruction morale du jeune âge et je joins à ce legs un capital de 5000 francs pour approprier l’immeuble à la destination qui aura été déterminé par le Conseil presbytéral de concert avec mon hériter universel (E. PESCHAIRE) ».
Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’Ainé teste pour une institution à vocation éducative : soit un orphelinat, soit une école d’Arts et Métiers à Vallon. Ce sera un orphelinat.
« Mais, je déclare que le présent legs ne pourra avoir son exécution que sous la condition que le Conseil presbytéral aura obtenu l’adhésion du gouvernement s’il y a lieu de la réclamer et qui ledit conseil presbytéral sera chargé de l’entretien du mobilier et des dépenses du personnel de l’établissement qu’au moyen de ressources dont il pourra disposer conjointement avec les revenus du legs PESCHAIRE-ALZON, lequel legs trop exigu pour une destination que parait lui donner les testateur ; destination fortement accueillie par l’opinion du pays ; ce qui ôte tout espoir d’arriver par de nouveaux legs à un capital suffisant pour la réaliser ».
« Et si au bout de 3 ans et 3 mois après mon décès, le conseil presbytéral de l’église de Vallon n’a pas fait les démarches convenables pour l’exécution du présent legs selon les conditions ci-dessus exprimées ; je déclare révoquer et annuler le dit-legs à profit de mon légataire universel. J’exprime le vif désir qu’il se charge lui-même de faire un établissement de bienfaisance chrétienne, soit un orphelinat soit une école d’Arts et Métiers ou tout autre école pour l’instruction du jeune âge en se servant à son choix de l’immeuble désigné ci-dessus et de ma maison patrimoniale, 6 à la Grande-rue de Vallon ; prenant toujours pour principe de soustraire les enfants pauvres à la contagion du vice par une éducation religieuse et morale. »
Il précise que ce legs ne pourra avoir lieu sans l’aval du gouvernement et indique le temps octroyé pour création de cet établissement : 3 ans.
Il souhaite que ce soit le conseil presbytéral de Vallon qui soit en charge de la direction, de l’entretien de cette institution et ce avec les ressources d’un précédent legs (celui de François PESCHAIRE dit ALIZON de 1854).
En effet, un précédent legs, (Legs François PESCHAIRE dit ALIZON), du 31 juillet 1854 a également été établi à destination du Conseil presbytéral et ce cette fois pour la création une maison de charité, d’un hospice ou d’infirmerie :
« Je lègue au Conseil presbytéral de l’Église Réformée de Vallon; 1 maison…; une terre à blé, une somme de 18 000 francs et 4 actions (2000 francs) … à la charge pour le Consistoire de faire construire une maison de charité ou d’infirmerie dans laquelle seront admis les vieillards ou infirmes pauvres. François PESCHAIRE dit ALIZON« .
Lors de la rédaction de son legs, Jacques Pierre François PESCHAIRE dit l’Ainé, identifie que son legs ajouté au legs PESCHAIRE dit ALIZON ne suffiront pas pour répondre à la destination que voulait lui donner François PESCHAIRE dit ALIZON; destination que semble attendre « le pays de Vallon», soit une maison de charité.
On notera que les legs PUAUX et PESCHAIRE dit ALIZON sont rédigés par leurs testateurs la même année, soit 1854.
Opposition entre le conseil municipal de Vallon et le Conseil presbytéral
Les deux legs réunis ne suffisant pas à créer un hospice ou une maison de charité ; le Conseil presbytéral attribue le legs François PESCHAIRE dit ALIZON au financement de l’Asile Agricole protestant en complément de celui légué par Jacques PESCHAIRE dit l’Ainé.
Mais, dès parution de cette décision ; le bureau de bienfaisance à Vallon (institution d’état ex-CCAS d’aujourd’hui) revendique la possibilité de récupérer le premier legs au profit de la commune pour la création d’un hôpital-hospice et, qui serait sous sa direction. La municipalité de Vallon est éloignée des structures de soins et souhaite créer, pour toute la population locale, un hospice.
Le Conseil municipal charge le Maire d’activer les démarches auprès de l’administration supérieure pour la création de cet hospice avec l’utilisation de ce legs PESCHAIRE dit ALIZON.
Cependant, l’acceptation de ce premier legs est déjà autorisée par un décret impérial en date du 16 mai 1863 pour affectation au Conseil presbytéral de Vallon.
La réaction est immédiate : De vives oppositions ont lieu entre le bureau de bienfaisance de Vallon et le Conseil presbytéral qui veut pouvoir gérer exclusivement l’argent du legs PESCHAIRE dit ALIZON pour le compte de l’Asile agricole.
Le Maire, Isidore VALLADIER saisira le conseil d’état et obtiendra gain de cause pour un partage de pouvoir au sein d’une commission administrative qui gèrera l’argent du legs PESCHAIRE dit ALIZON ( (cf. Livret Les droits du conseil presbytéral – 1866).
Il est à noter que le Préfet nommera les représentants de cette commission chargée d’administrer le Legs :
· 3 membres du consistoire protestant (Auguste CRES, Pasteur protestant ; Gustave LICHIERE Notaire ; Marc-François OLLIER de MARICHARD, Rentier)
· et 3 autres membres (Isidore VALLADIER, Maire de Vallon ; Joseph ELDIN, Curé ; Eugène VILLARD, Propriétaire).
Les membres du consistoire protestant s’opposeront un temps et accepteront le 5 janvier 1865.
Le 21 juin 1866, Napoléon III, reconnait au Conseil presbytéral leur participation à l’administration du legs et rejette définitivement la requête des sieurs VALLADIER et Consorts. L’hospice comme souhaité par la Mairie de Vallon attendra. Et, en 1866, l’Asile agricole accueille son premier pensionnaire venant de Dijon.
Le 22 janvier 1867, un décret impérial autorise le transfert de l’Asile agricole de Gilhoc à Vallon et la fondation du nouvel Asile agricole de Vallon.
L’asile agricole est reconnu d’utilité publique le 28 février 1885 par le Président de la République (Jules GREVY).
Cette reconnaissance permettra à l’asile de recevoir des aides publiques.
C’est le 11 mars 1911 que l’attribution du legs PESCHAIRE dit ALIZON au profit du bureau de bienfaisance de Vallon sera effective par un décret signé par le Président de la république FAILLERES :
« En vertu d’un décret signé par M. FAILLERES (Président de la République) et MONIS, N’est pas attribué l’attribution de biens grevés d’une affectation charitable faite suivant procès-verbal du 20 novembre 1908 par le conseil presbytéral de Vallon au profit de l’asile agricole protestant reconnu d’utilité publique par décret du 25 février 1885 ;
Sont attribués au profit du bureau de bienfaisance de Vallon les biens grevés d’une affectation charitable ayant appartenu au conseil presbytéral de Vallon en vertu d’un legs PESCHAIRE-ALIZON dont l’acceptation a été autorisé par décret du 16 mai 1863 et d’un Legs d’Ollier de MARICHARD dont l’acceptation a été autorisé par décret du 17 janvier 1879; lesdits biens comprenant un titre de rente de 3% sur l’état de 2000 francs et un autre titre de rente et un immeuble ».
Les oppositions entre la Mairie et le Consistoire protestant auront duré plus de 70 ans
Exemple d’échanges vifs parus dans la presse locale en 1908 :
Le Maire de Vallon proteste contre l’attribution faite à l’Asile agricole du legs PESCHAIRE dit ALIZON – Article de La Croix d’Ardèche- et sollicite le Président du Conseil :
« Le maire expose que, le 30 mai 1908, le conseil a protesté contre l’attribution faite à l’asile agricole protestant de Vallon, du legs Peschaire-Alizon, qu’il revendique pour le bureau de bienfaisance. Aucune solution n’est encore intervenue. Et les arrérages s’accumulent, pendant que souffrent les malheureux.
Le conseil, après discussion et délibération, confiant dans le bon droit de la commune, prie à nouveau M. le président du Conseil, ministre de l’Intérieur et des cultes, dont les tendances humanitaires et laïques sont bien connues, de donner satisfaction légitime à la population, en faisant, au plus tôt, attribution du legs Peschaire-Alizon au bureau de bienfaisance de Vallon et charge son président d’adresser une copie de la délibération précitée à M. Briand ».
Réponse du comité de l’Asile agricole protestant par voie de presse dans Le Républicain des Cévennes :
« VALLON – On nous prie d’insérer : « Nous ne répondrons que par quelques lignes au dernier article de M. le Maire qui veut absolument mêler à la politique la question du legs Peschaire-Alizon.
Dans une affaire de cette nature, qu’est-ce qui doit dominer le débat ? Uniquement ceci : La volonté du Testateur est-elle respectée ? Si oui, il n’y a rien à dire.
Or, pour tout homme impartial et de bonne foi, l’ancien Conseil presbytéral, en faisant l’attribution du legs Peschaire- Alizon à l’Asile Agricole Protestant s’est strictement conformé au désir du Testateur qui a voulu confier l’administration des biens légués à ses coreligionnaires exclusivement.
D’autre part, les revenus du dit legs continueront à être intégralement distribués aux pauvres sans distinction de culte et d’opinion politique.
C’est ce qu’a compris le Gouvernement de la République en reconnaissant valable l’attribution faite par le Conseil Presbytéral.
Du reste, les membres du Comité de l’Asile Agricole sont suffisamment connus pour qu’on puisse avoir l’assurance qu’ils se feront toujours un devoir d’exécuter scrupuleusement les dernières volontés de l’homme de bien qui les avait choisis pour légataires.
Pour Le Comité de l’Asile Agricole Protestant ».
Quelques Articles de presse à partir des archives départementales de l’Ardèche :
Sources : Archives départementales de l’Ardèche
Fonctionnement de l’Asile
L’organisation
L’asile est administré par un comité (conseil presbytéral) composé de 9 membres.
Le règlement intérieur et des statuts précisent l’administration mise en place et le nom des administrateurs. Ils seront modifiés en 1885, 1897 puis en 1907 après la loi sur la laïcité de 1905.
Le fonctionnement de l’Asile agricole repose sur 1 directeur, l’épouse du Directeur qui fait office d’infirmière, 1 instituteur, 1 chef de culture 1 lingère, 1 cuisinière, et plusieurs surveillants.
L’Asile s’agrandit au fil des décennies, le Conseil presbytéral acquiert en 1876 la maison « Eldin ».
En 1893, l’Asile agricole hérite d’une maison sans terre située sur la rue du Barry de 65 m2; legs effectué par M.RUSSIER d’Uzès, gendarme à la retraite (ex. Maison LICHIERE) ; qui la détenait sur la vente de Dame Marcelline LICHIERE; vente de 1865.
Ainsi, en 1887, l’Asile se compose de trois bâtiments, d’une vaste cour, d’un jardin, de 62 ares de terrain, avec charrues, charrettes, tombereau, herse, rouleaux, d’une vache, de porcs, de chèvres, de volailles, de deux chevaux ; agrès de magnanerie, clapier.
Les enfants dorment au second étage de la bastide sur des paillasses garnies de paille de blé.
L’asile agricole vit de rentes, dons, legs et ventes de charité ; Le gouvernement français, après la reconnaissance d’utilité publique octroie une subvention chaque année (500 ou 600 francs).
Le Budget
Coût de la pension par élève : de 100 jusqu’à 240 francs
Bilan financier de l’Asile agricole en 1889
Bilan financier de l’Asile agricole 1878-1879
Les rentes provenant du legs PESCHAIRE-ALIZON représentent une grosse part du budget annuel.
Chaque année, la préfecture de l’Ardèche et le ministère effectueront des contrôles et émettront des avis sur le fonctionnement de l’Asile.
Ils sont tous élogieux quant à l’enseignement pratiqué :
En 1906, Le préfet de l’Ardèche émet un avis motivé dans un courrier adressé au Ministère de l’intérieur et des cultes :
« L’asile agricole de Vallon compte actuellement 30 élèves ; plus de 20O enfants ont été admis depuis sa fondation. Les élèves reçoivent l’instruction primaire complétée par un enseignement agricole théorique et pratique. Ils y apprennent un état qui leur permettra de subvenir à leurs moyens d’existence. Les ressources dont cet établissement dispose seraient insuffisantes sans les subventions qu’il reçoit du Gouvernement et de conseil Général de l’Ardèche ».
Le Préfet est d’accord pour le maintien de la subvention annuelle de 600frs :
« Les enfants jouissent de la vie de famille. De tous temps, l’Asile à présenté, avec succès, ses élèves au certificat d’études primaires ; ils prennent part aux concours agricoles. De nombreux élèves obtiennent le diplôme de greffage. » Rapport Janvier 1913
Les conditions d’entrée à l’Asile agricole :
Seuls les enfants de sexe masculin sont autorisés.
· Être orphelin ou moralement abandonné ;
· Production de l’acte de naissance ;
· Certificat médical attestant que l’enfant a été vacciné et est en bonne santé ;
· Présentation au comité par un pasteur ou par un membre du Consistoire protestant ;
· Engagement par les parents ou protecteurs de payer annuellement une pension de 100 francs; puis 240 francs à partir de 1920 ;
· Appartenir à la religion protestante.
L’éducation – L’enseignement
L’instruction primaire est dispensée par un instituteur présent à l’Asile agricole et ce jusqu’à la loi interdisant aux congrégations religieuses d’enseigner.
Ensuite les enfants vont à l’école publique de Vallon ;
Les statuts en 1885 précisent dans leur article premier que le but de l’Asile agricole est de :
« Recueillir, pour les soustraire à la misère, à l’ignorance et au vice les enfants pauvres du sexe masculin, orphelins ou abandonnés, appartenant à l’Église Réformée de France, et âgés de 6 ans au moins et de dix ans au plus ».
L’instituteur doit être nécessairement muni de son brevet de capacité et avoir obtenu l’autorisation spéciale prescrite par la Loi. L’enseignement de l’école comprend tout ce qui entre dans le programme de l’instruction primaire.
L’instituteur se conforme, pour l’enseignement agricole, aux programmes et arrêtés du Ministère de l’instruction publique concernant les écoles primaires. l’instituteur est tenu de loger dans l’Asile agricole.
Le chef de culture est à la tête des enfants désignés pour les travaux des champs ; de la ferme. Il a en charge le bon fonctionnement de la Magnanerie.
Les directeurs se succèdent, il s’agit d’instituteurs comme Onésime Froment depuis 1889, ancien instituteur public, remplacé en 1900 par Jean Gédéon Abric, instituteur dans la Loire.
En 1906, Louis Pascotto, ancien élève de l’École modèle de Dieulefit, qui a obtenu son brevet en 1895, puis, exercé à Venise, Londres et Paris, arrive.
On dit de lui qu’il a un « caractère laïque et fournit l’enseignement primaire adapté à la culture du jardin et des champs ».
La journée s’organise autour de cours de culture générale le matin et travaux dans les champs l’après-midi sous le contrôle d’un chef de culture;
De tout temps, l’école a présenté des élèves au certificat d’études primaires ainsi qu’aux concours agricoles.
L’établissement a obtenu un prix pour l’emploi du nitrate de soude, a eu des élèves diplômés au concours de greffage, et obtenu un diplôme de médaille d’argent au concours national d’agriculture ».
A leur sortie, les enfants se placent comme valets de ferme ou journaliers agricoles ; quelques-uns partant en apprentissage.
La bonne conduite des enfants à leur sortie est notée dans les rapports
Règlement intérieur – Statuts du 16 juin 189
Le fonctionnement de l’asile agricole repose sur 1 directeur ; L’épouse du Directeur, avec la mission d’Infirmière ; 1 instituteur ; 1 cuisinière; 1 lingère; 1 ou plusieurs surveillant(s) ; 1 chef de culture; sous le contrôle d’un comité administratif ( tous membres du Consistoire protestant).
Les statuts
Quelques extraits du règlement intérieur nous permettent d’appréhender comment vivaient les enfants à l’Asile agricole :
Alimentation :
A l’Asile, tous les repas sont pris en commun, dans le réfectoire sous la surveillance des personnels. Les enfants font 4 repas par jour ; la viande 3 X par semaine. Les élèves employés aux travaux agricoles de la ferme reçoivent des rations plus forte et du vin mélangé d’eau.
Service religieux :
Tous les jours, matin et soir, le culte domestique est célébré dans l’Asile en présence de tous les élèves et de tous les employés logés dans la bastide. Chaque repas s’ouvre et se termine par la prière, prononcée par un élève ou par un membre du personnel. L’instruction religieuse est donnée par le Pasteur. les élèves participent aux services qui sont célébrés dans le temple de l’Église réformée de Vallon.
Santé :
Un médecin visite les enfants à leur entrée. Il suit les enfants tout au long de leur présence à l’Asile agricole.
Travail :
Le travail est obligatoire dans l’Asile : instruction ; culture du jardin ; culture à la ferme ; la cuisine. Le travail est réparti selon l’âge des enfants.
Ordre, Discipline, Police intérieure :
Les dortoirs sont éclairés la nuit et placé sous la surveillance d’un employé qui doit y coucher. Les enfants ont tous le même uniforme et changent de linge tous les dimanches. Les draps de lit sont changés tous les mois. Les enfants ne sortent pas de l’Asile sans permission ; parlent constamment français. Tout chant autre que des chants religieux, scolaires ou patriotiques sont interdits.
Les enfants vont en promenade tous les jeudis et dimanches. Pendant l’été, ils pratiquent la natation.
Les enfants
Age d’entrée : entre 6 et 10 ans
Age de sortie : 16 ans
Une trentaine d’orphelins vivent à l’asile en moyenne. Il y a 4 à 5 entrées par an.
Fin 1867 : 4 enfants présents à l’asile :
· Joseph UHLER de Dijon
· Simon PUJOLAS d’Uzès
· Jean RUEL de Saint Etienne
· Louis ARMAND de Bessèges
1876 : 30 enfants sont présents.1887 : 27 enfants sont présents.
1900 : A partir du début du XXème, l’asile accueillera des enfants sans distinction de religion ; la loi de 1905 est en route…
1904, Les difficultés arrivent …
1905 : plus de 200 enfants ont été accueillis en 39 ans; seulement 2 décès sont mentionnés dans les rapports ; la loi ne permet plus à l’asile agricole de recevoir les dividendes de ce legs (Loi de 1904 – dite loi Combes). les difficultés financières arrivent…
1910 : 23 enfants sont présents. Suite à la loi de 1905, les orphelins vont maintenant à l’école publique de Vallon.
1911 : l’asile agricole ne peut plus compter sur les rentes liées au legs PESCHAIRE-ALIZON.
En effet, la préfecture sommée par le Maire de Vallon (M. HUGON), met en garde le Président du Conseil de la République française sur l’utilisation, par l’Association Asile agricole, du legs PESCHAIRE-ALIZON.
Dorénavant, seuls une subvention publique et des pensions payées par les parents des orphelins servent à payer l’entretien de l’Asile agricole.
Cela est insuffisant. Le déclin de l’Asile agricole est amorcé.
1914 : le Président, le trésorier du Comité directeur de l’Asile sont mobilisés pour la grande guerre.
1919, il y a encore15 enfants présents à l’Asile agricole protestant de Vallon.
Désormais, les enfants vont en classe jusqu’à l’obtention du certificat d’études. Réglementairement, ils doivent toujours appartenir au culte réformé ; dans les faits, des exceptions existent.
Le Maire de Vallon dénonce à la préfecture de l’Ardèche les conditions de vie des orphelins et leurs incivilités dans le village. Le préfet met en demeure le consistoire presbytéral de fournir un rapport détaillé des conditions de vie pour les enfants.
Dans le rapport annuel envoyé par le directeur de l’Asile agricole en réponse ; on voit poindre les difficultés :
« Grâce aux produits que nous avons pu récolter, pommes de terre ; haricots ; maïs ; betteraves ; seigle ; avoine ; blé et les légumes du jardin nous avons pu suffire à l’alimentation de nos orphelins. Nos jeunes orphelins (6 à 13 ans) sont allés régulièrement à l’école publique et nous avons le regret de dire que nous n’avons pas constaté chez eux des progrès remarquables au sujet de leurs études mais nous avons remarqué que nos enfants ont appris à lire, à écrire et à compter ».
« Du point de vue moral, nos enfants sont sous l’influence à leurs principes sous tous les rapports. Hélas, nous ne pouvons nous targuer d’avoir des modèles d’élèves. La plupart nous arrive de grandes villes telles que Paris, Marseille, Lyon, Valence, Alaïs (ALES). Inutile de dire que ces enfants qui ont été déjà livrés à eux-mêmes nous ont apporté le résultat de leur éducation pitoyable et de leur santé précaire.
A part nos revenus agricoles et nos modestes ressources par une petite pension demandée aux parents de nos enfants, notre asile vit de charité. Une vente est faîte chaque année. Nous recueillons quelques fonds. L’état nous envoie une subvention de 500 francs ;
Moyennant tous les secours précités, nous espérons que notre œuvre pourra subsister encore de longues années et rendra les services si appréciables que nos enfants et surtout leurs parents ou les personnes qui veulent bien s’intéresser à eux ont à plusieurs fois eu le plaisir à constater ».
1919, le personnel est réduit. Le directeur dans son rapport invoque « la crise de la main d’œuvre qui se fait sentir ici comme ailleurs et pour des raisons d’économie, nous n’avons pas rédigé ni fait imprimer de rapport pour l’année 1919″.
1921 : Le Président du consistoire demande au préfet des subventions complémentaires au regard de la situation rencontrée par l’asile agricole.
1924 : 6 enfants sont présents
1925 : Le bilan financier fait état d’un gros déficit.
Il est décidé la fermeture provisoire de l’asile agricole, la vente d’une partie des valeurs immobilières et du portefeuilles Titres
1925, les 4 enfants qui étaient hospitalisés et encore sous la responsabilité de l’asile agricole sont rendus à leurs familles.
Le directeur ; sa femme et tout le personnel ont trouvé du travail ailleurs. L’immeuble et le jardin sont occupés et gardés par un concierge.
Courrier du président du conseil presbytéral à M. le Préfet de l’Ardèche :
« Nous attendrons des jours meilleurs pour rouvrir ou donner à l’immeuble une nouvelle destination comme les statuts nous le permettent ».
1926 : L’asile ferme définitivement.
Les pasteurs pendant les exercices de l’Asile agricole
· Auguste CRES (1856 – 1905)
· François MASSIAS (1906 – 1910)
· Paul JACOT (1911 – 1920)
· Édouard COULON (1921 – 1925)
· Élysée GALLAN-VERNIER (1926)
· Jules SEGUIN (1927 – 1938)
Les directeurs de l’asile agricole
· ROLAND
· FROMENT
· ABRIC
· PANCOTTE
· Élysée GEORGES (de vallon)
Chef de culture : Camille PAGES
Cuisinière : Rosalie PAGES
Legs et dons à l’Asile agricole protestant
Pendant une période 50 ans, le conseil presbytéral sera destinataire de plusieurs legs qu’il acceptera pour le compte de l’association ASILE AGRICOLE PROTESTANT qui, parce qu’elle est reconnue d’utilité publique sera en capacité d’obtenir l’aval de la République Française pour chaque legs reçu.
Quelques legs et dons retrouvés dans les papiers de famille et auprès des archives départementales de l’Ardèche :
· 14 juillet 1877 Legs Jeanne GUIGON ; Une terre /muriers au quartier de Bourdaric (Le Cros) « confrontant Pouget, Dussaud, Lauriol et le ruisseau du Bourdaric »
· 1878 Legs OLLIER DE MARICHARD
· 1882 Legs MOUREDON
· 1883 Legs VILLARD
· 3 octobre 1884 Legs de François Alexandre DUPUY Ancien notaire Les Vans 10 000 francs
· 1889 Donation Raymond CHAREIRE
· Juin 1864 Legs Jeanne ALZAS 500 francs
· Octobre 1884 Don François Alexandre DUPUY 10 000 francs
· juillet 1893 Don de Jean-Pierre RUSSIER Ancien gendarme, rentier ; Don d’une maison sis à Vallon, rue du Barry, 1400 francs
· 1912 Legs MERCADIER 20 000 Francs
· 1912 Don LICHIERE
· 1914 Legs Marie PICHAND
· 1918 Don Pierre-Louis ROUCAYROL 30 000 francs
· …
Il reste dans le village des plaques de places et rues qui honorent encore aujourd’hui, les donateurs de tous les legs testés vers l’Asile agricole protestant :
· Legs PESCHAIRE-ALIZON : boulevard PESCHAIRE-ALIZON
· Legs Louis CLARON : rue Louis CLARON
· Legs Armand Hyppolyte PUAUX : place Armand PUAUX
· Legs Lorion BLACHERE : rue Lorion BLACHERE
· Legs R. BOUCHER : rue R. BOUCHER
· Legs GUIGON-SERVIERE : Rue GUIGON-SERVIERE
· Legs Jules OLLIER DE MARICHARD : Place J. OLLIER DE MARICHARD
Epilogue
Des discussions, oppositions entre le consistoire protestant et la mairie de Vallon ont animé la vie politique locale pendant plus de 70 ans. Ce fut parfois des luttes ouvertes entre les maires de Vallon et leurs conseillers municipaux et les partisans du Consistoire protestant.
Ces luttes polluèrent le climat social de Vallon pendant plus d’un demi-siècle et furent particulièrement violentes après le vote de la loi Combes en 1904 et celle en 1905 ; loi dite de séparation de l’Église et de l’État. (Voir les articles de Presse au sujet des campagnes électorales);
Après la guerre de 14-18, le nombre d’orphelins à secourir est allé en diminuant régulièrement car l’état apportait quelques aides aux familles nécessiteuses, aide qui leur permettait de s’occuper elles-mêmes des enfants et de ne pas les confier à des institutions charitables.
Les rentes annuelles reçues deviennent limitées et les difficultés à l’Asile agricole s’accumulent.
28 juin 1921 : L’Asile agricole recherche des fonds et formule sa demande à M. le Préfet de l’Ardèche :
« de pouvoir bénéficier d’une subvention sur les fruits du Pari-mutuel qui sont aujourd’hui affectés aux oeuvres charitables et rappelle que l’Asile agricole de Vallon vit de charité publique et des pensions des orphelins qui lui sont confiés (240 francs par enfant) et rappelle que la situation financière est difficile et que l’Asile se trouve face à un déficit écrasant ».
La réponse de M. le Préfet sera négative.
1925 : les 4 derniers enfants restant à l’asile sont rendus à leurs familles.
L’asile ferme en 1926.
11 avril 1937 : Dissolution de l’association Asile agricole et Décret annulant la reconnaissance d’utilité publique
La mairie devient destinataire des biens immobiliers et l’intègre aux biens du legs PESCHAIRE-ALIZON dit « Hôpital-Hospice » ; Ce bien étant maintenant géré par le bureau de bienfaisance de Vallon.
Mai 1938 : Vente aux enchères publiques des biens immobiliers de l’association Asile agricole protestant pour solde de dettes avec accord de la préfecture.
Son actif est dévolu à l’hôpital-hospice de Vallon qui a été inauguré quelques années avant, le 30 août 1931.
La bastide et la maison du gendarme RUSSIER seront achetées par Inès Aimée MASSOT et Emile Jacques GUIGON, Maréchal ferrant à Vallon ; mes grands-parents.
La maison du gendarme RUSSIER sera vendue.
Depuis la bastide est restée propriété de la famille….
Françoise DURAND-LÉVÊQUE
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LE REPUBLICAIN DES CEVENNES 09 08 1902
LE REPUBLICAIN DES CEVENNES 25 04 1908
LE REPUBLICAIN DES CEVENNES 02 05 1908
https://archives.ardeche.fr/ark:/39673/vtad5b959c3bab0f990/dao/0/2
LE REPUBLICAIN DES CEVENNES. 13/06/1908
LE REPUBLICAIN DES CEVENNES. 18/09/1909
LA CROIX D’ARDECHE. 01/03/1911
LE REPUBLICAIN DES CEVENNES. 25/03/1911
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